Un premier roman signé Laurent PETITMANGIN pour un premier post. Et pas n’importe lequel : une vrai surprise, un coup de cœur !

Imaginez un père et ses deux fils. Un deuil. Et une Lorraine peu connue par nombre de lecteurs mais qui au fil de ce récit se révèle bien plus commune à chacun. Pour qui a grandi hors des grandes villes, ce récit remue et confirme ce qu’on pouvait y pressentir enfant. Mais cela est loin d’être un prérequis pour l’apprécier car l’auteur a composé un récit qui nous permet de nous projeter sans fausses notes dans l’histoire et l’univers de Fus, Gillou et leur père .
« Les gendarmes avaient poussé Fus à porter plainte. Et à chaque fois, ils m’avaient demandé d’achever de le convaincre. Il aurait fallu pour ça que les choses soient bien remises. Et elles ne l’étaient pas. »
p.117
Pour moi, la principale réussite de ce roman est de rendre compte d’une énergie sclérosée d’aigreur et de violence tout en sublimant l’amour d’un père pour ses fils. L’écriture qui se veut simple et économe y participe, à l’image de ce « Je » père-narrateur qu’on découvre se reconstruire après la tempête. Tout comme les interrogations et les hésitations du père-narrateur ne sont ni superflues ni une simulation lourde d’un monologue intérieur ressassé : elles portent les évènements égrenés par le récit et les dramatisent avec efficacité. Impossible de les enlever.
Les ellipses se font aussi de plus en plus brutales et endossent l’écho des chocs les plus importants, ceux qui sont les plus durs à dire car à l’origine du silence que le père cherche à lever. Ce silence prend la forme d’une lettre qui clôt le récit et l’éclaire d’une telle manière qu’on pourrait se demander si cette lettre n’a pas été le moteur premier de l’écriture, la pierre fondatrice à partir de laquelle ce récit-témoignage a été composé comme à rebours. Quoi qu’il en soit, l’envergure des personnages s’impose et reste avec le lecteur une fois le livre fermé, ainsi que la poésie simple, claire et dense qui lui a donné vie.
C’était le premier roman édité par La Manufacture du livre que je lisais. En jetant un coup d’oeil à leur ligne éditorial, force est de constater que Ce qu’il faut de nuit s’y glisse comme un gant. Et j’ai hâte de lire un autre roman de Laurent PETITMANGIN. A suivre.